Le 13 août 2024, le Sénégal a connu une journée sans presse, un événement marquant orchestré par le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse sénégalaise (CDEPS) pour dénoncer les difficultés économiques et politiques qui frappent le secteur des médias. Cette grève, qui a vu la quasi-totalité des journaux, radios et télévisions du pays cesser leurs activités, vise à alerter l’opinion publique sur la pression fiscale croissante et les mesures jugées répressives du gouvernement.
Le secteur des médias au Sénégal est en crise depuis plusieurs années. Les entreprises de presse, souvent déficitaires, sont confrontées à une pression fiscale de plus en plus lourde. Babacar Fall, directeur de l’information, a déclaré : « La pression fiscale se transforme en harcèlement fiscal alors que les entreprises de presse sénégalaises sont par définition déficitaires ». De plus, des mesures telles que le blocage des comptes bancaires et la saisie de matériel de production ont été mises en œuvre, exacerbant la situation. Les médias privés, qui jouent un rôle essentiel dans la démocratie sénégalaise, se retrouvent dans une situation précaire. Selon Reporters sans frontières (RSF), 26 % des journalistes au Sénégal n’ont pas de contrat de travail, et de nombreuses entreprises de presse accumulent des dettes fiscales importantes. La fermeture récente des quotidiens sportifs Stades et Sunu Lamb, après plus de vingt ans d’existence, illustre la gravité de la situation économique.
Si aucune solution n’est trouvée rapidement, les conséquences pourraient être désastreuses tant sur le plan social qu’économique. La perte d’emplois dans le secteur des médias pourrait entraîner une augmentation du chômage, déjà préoccupant dans un pays où le taux de chômage des jeunes est de 13,7 %. Ana Rocha, journaliste, a exprimé ses craintes en déclarant : « Cette situation crée des angoisses. C’est difficile de se dire que du jour au lendemain, on peut perdre son emploi ». Sur le plan social, la crise des médias pourrait également contribuer à une détérioration de la confiance du public envers les institutions. Le recul du Sénégal dans le classement mondial de la liberté de la presse, passant de la 49e à la 94e place depuis 2021, témoigne d’un climat de méfiance croissant. Les journalistes sont souvent victimes de violences et d’intimidations, ce qui nuit à leur capacité à informer le public de manière objective.
Les acteurs du secteur des médias appellent à une mobilisation générale pour défendre la liberté de la presse. Lors de la journée sans presse, de nombreux journalistes ont exprimé leur solidarité avec les patrons de presse, soulignant que la situation actuelle représente une question de survie. « C’est une question de survie, » a affirmé Ana Rocha, ajoutant qu’il est crucial que les autorités entament un dialogue avec les acteurs du secteur. Face à cette crise, il est impératif que le gouvernement sénégalais prenne des mesures concrètes pour soutenir les médias. Un dialogue ouvert entre le gouvernement et les acteurs de la presse est essentiel pour trouver des solutions viables. Cela pourrait inclure la mise en place de mesures fiscales adaptées, des subventions pour les médias en difficulté, et un engagement à garantir la liberté d’expression.
Il est crucial que les autorités reconnaissent le rôle fondamental des médias dans la démocratie et la société sénégalaise. Comme l’a souligné un observateur, « Les nouveaux pouvoirs publics appuient sur l’accélérateur pour une mise à mort des médias privés, juste pour éteindre les voix critiques ». Sans une intervention rapide, le paysage médiatique du Sénégal pourrait être irrémédiablement altéré, avec des conséquences graves pour la démocratie et la société.