La détention récente de Victoire Ingabire, figure de l’opposition rwandaise, relance le débat sur le risque politique au Rwanda et ses répercussions économiques en Afrique de l’Est. Déjà emprisonnée entre 2010 et 2018, elle est de nouveau arrêtée en juin 2025, accusée cette fois de complicité dans un prétendu complot visant à semer des troubles publics. Ce nouvel épisode intervient alors que le Front Patriotique Rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, continue d’exercer un pouvoir sans partage. La stabilité politique longtemps vantée du pays apparaît de plus en plus comme un équilibre fragile, menacé par une gouvernance autoritaire.
Classé « non libre » dans le rapport 2025 de Freedom House, le Rwanda présente une image ambivalente. D’un côté, ses performances économiques sont notables, avec une croissance soutenue, des infrastructures modernes et un environnement des affaires structuré. De l’autre, le contrôle rigide de la vie politique suscite des inquiétudes croissantes. La réélection du président Kagame en juillet 2024 avec plus de 99 % des suffrages, dans un processus électoral dénoncé comme non transparent, a écarté les principales voix de l’opposition, dont Victoire Ingabire et Diane Rwigara. La répression de la dissidence reste un levier politique central.
Pour les investisseurs, cette instabilité politique soulève des questions concrètes. La politisation des institutions judiciaires, les actions extrajudiciaires signalées par des ONG et les tensions régionales grandissantes, notamment le soutien présumé au groupe armé M23 en RDC, augmentent la prime de risque. Des sanctions ciblées de l’Union européenne (UE) à l’encontre d’entités rwandaises impliquées dans le commerce illégal d’or réduisent également l’attrait du pays. En parallèle, la note de transparence de Kigali, notamment dans la gestion de ses ressources et sa coopération régionale, s’effrite.
Cette situation affecte aussi les ambitions numériques du pays. Le Rwanda s’est positionné comme un hub technologique en Afrique, notamment via ses programmes d’éducation STEM et d’innovation numérique. Mais les incertitudes politiques freinent les partenariats étrangers dans les secteurs sensibles comme les data centers, les services cloud ou la cybersécurité. Plusieurs start-ups panafricaines revoient déjà leur stratégie de localisation, préférant des écosystèmes jugés plus ouverts comme Nairobi ou Lagos pour assurer la sécurité de leurs investissements et la liberté d’opérer.
Dans ce contexte, les acteurs économiques africains et issus de la diaspora doivent faire preuve d’une vigilance renforcée. La diligence raisonnable, souvent perçue comme une formalité, devient ici un outil stratégique pour évaluer la solidité juridique, la réputation politique et les perspectives de long terme d’un investissement. L’affaire Ingabire incarne bien plus qu’un épisode judiciaire. Elle symbolise une tension permanente entre croissance économique et déficit démocratique. Comprendre cette dynamique est essentiel pour toute stratégie d’investissement durable en Afrique de l’Est, où les enjeux politiques sont intimement liés aux réalités économiques du terrain.
Sources : https://apnews.com/article/rwanda-ingabire-opposition-arrested-kagame-1a1719a7a547235a06fdd897ce9df470?utm_source=chatgpt.com https://freedomhouse.org/country/rwanda/freedom-world/2025?utm_source=chatgpt.com