Les descendants des millions d’Africains déportés dans le cadre de la traite transatlantique peuvent désormais prétendre à la nationalité béninoise. Cette décision, annoncée par les autorités de Cotonou en décembre 2024, marque une étape symbolique importante pour le Bénin, l’un des pays africains les plus impliqués dans ce sombre chapitre de l’histoire mondiale. Mais quels sont les contours de cette mesure, combien de personnes pourraient en bénéficier, et que vise réellement le gouvernement béninois avec cette initiative ?
Un geste historique en faveur des afrodescendants
La loi récemment adoptée permet aux descendants directs d’esclaves déportés de demander la citoyenneté béninoise, une mesure que les autorités présentent comme un acte de justice historique et de réconciliation. Selon Alassane Seidou, ministre béninois de la Justice, « cette démarche vise à renouer les liens avec les millions d’enfants de l’Afrique dispersés dans le monde, leur offrant une opportunité de retrouver leurs racines ancestrales ».
Le Bénin, anciennement connu sous le nom de Dahomey, fut l’un des principaux points de départ des esclaves pendant la traite transatlantique, qui a duré du XVIe au XIXe siècle. À Ouidah, ville portuaire emblématique de cette période, plus d’un million d’Africains auraient été embarqués vers les Amériques et les Caraïbes.

Combien de personnes concernées ?
Estimer le nombre de descendants pouvant bénéficier de cette mesure reste complexe. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), entre 12 et 15 millions d’Africains ont été déportés au cours de la traite transatlantique. Aujourd’hui, leurs descendants se comptent en dizaines de millions, principalement en Amérique du Nord, en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Cependant, tous ces afrodescendants ne seront pas éligibles. Les autorités béninoises précisent que les demandeurs devront prouver une ascendance directe avec des esclaves déportés depuis le territoire actuel du Bénin. Cette exigence pourrait réduire considérablement le nombre de bénéficiaires potentiels, car retracer ces origines nécessite des recherches généalogiques approfondies.
Pourquoi maintenant ?
Cette initiative intervient à un moment où plusieurs pays africains cherchent à renforcer leurs liens avec la diaspora africaine. Le Ghana, avec son programme « Year of Return » lancé en 2019, a attiré des milliers d’afrodescendants en quête de reconnexion avec leurs racines. Le Bénin semble s’inscrire dans cette dynamique en cherchant à établir une relation durable avec sa diaspora historique.
Pour Cotonou, il ne s’agit pas seulement d’un acte symbolique. La mesure pourrait aussi avoir des retombées économiques et diplomatiques. En attirant des afrodescendants, le Bénin espère stimuler son économie, notamment à travers le tourisme mémoriel, et renforcer son image internationale. Des sites comme la Porte du Non-Retour à Ouidah, déjà fréquentés par des visiteurs du monde entier, pourraient devenir des lieux encore plus emblématiques.
Les attentes de la diaspora
Pour de nombreux afrodescendants, cette mesure représente une opportunité de se reconnecter avec leurs origines. « Obtenir la nationalité béninoise serait une manière de combler un vide identitaire et de restaurer une partie de l’histoire effacée de ma famille », témoigne Sandra Charles, une Afro-Américaine dont les ancêtres auraient été déportés depuis la côte ouest-africaine.
Cependant, certains expriment des inquiétudes. Comment les preuves d’ascendance seront-elles vérifiées ? Quels seront les coûts et les délais liés à ces démarches ? Ces questions restent en grande partie sans réponse, alimentant une certaine appréhension parmi les afrodescendants intéressés.
Défis à relever
La mise en œuvre de cette loi pourrait s’avérer complexe. Les archives historiques, souvent fragmentaires ou inexistantes, compliquent la tâche des demandeurs et des autorités. Par ailleurs, cette initiative soulève des débats sur la gestion des ressources publiques. Certains citoyens béninois questionnent la priorité accordée à cette mesure, dans un pays confronté à des défis sociaux et économiques importants.
Enfin, cette décision pose des questions sur le rôle que le Bénin souhaite jouer dans le concert des nations. Si cette mesure s’avère réussie, elle pourrait inspirer d’autres pays africains à suivre un chemin similaire, consolidant ainsi un mouvement de réconciliation entre l’Afrique et sa diaspora mondiale.
Une reconnaissance, mais quel avenir ?
En définitive, la décision du Bénin d’octroyer la nationalité à certains descendants d’esclaves constitue une démarche forte, porteuse d’espoir et de réconciliation. Cependant, le succès de cette initiative dépendra de la capacité des autorités à surmonter les défis administratifs et logistiques qu’elle implique.
Reste à savoir si cette mesure sera perçue comme un geste véritablement inclusif et bénéfique, ou si elle restera une opportunité limitée à une minorité de la diaspora. Le temps dira si cette reconnaissance juridique aboutira à une transformation profonde des relations entre l’Afrique et ses descendants à travers le monde.
Sources : https://www.voaafrique.com/a/le-b%C3%A9nin-tend-la-main-aux-afro-descendants-avec-sa-nouvelle-loi-sur-la-naturalisation/7736271.html https://www.rfi.fr/fr/afrique/20241122-le-d%C3%A9cret-fixant-les-modalit%C3%A9s-d-obtention-de-la-nationalit%C3%A9-b%C3%A9ninoise-pour-les-afro-descendants-d%C3%A9port%C3%A9s-a-%C3%A9t%C3%A9-publi%C3%A9 https://www.jeuneafrique.com/brandcontent/1620583/nationalite-pour-les-afro-descendants-victimes-de-lesclavage/ https://fr.africanews.com/2024/12/16/le-benin-accorde-la-citoyennete-aux-descendants-desclaves/