À Kinshasa, le « liboke » est incontournable, servi dans des restaurants comme « 100% Liboke, Chez Mère Antho Aembe ». Ce plat, préparé avec du poisson ou de la viande enveloppée dans des feuilles de bananier et cuite au charbon de bois, séduit par sa saveur fumée unique. Pour Patrick Bewa, fonctionnaire et amateur de cuisine locale, son entrée au Larousse représente une « source de fierté », symbolisant l’identité congolaise à travers un goût typiquement africain. Cependant, la définition proposée par le Larousse centrée sur l’aspect culinaire suscite des critiques. En lingala, « liboke » signifie avant tout « un petit groupe ».
Moïse Edimo Lumbidi, professeur de lingala, rappelle que le terme s’emploie pour désigner des regroupements de personnes ou d’objets, et qu’il est donc « très réducteur » de le limiter à un mets. Le mot « liboke » a également une forte portée symbolique. Sous Mobutu Sese Seko, il figurait dans le slogan nationaliste « Tolingi Zaïre liboke moko, lisanga moko » (« Nous voulons un Zaïre uni et indivisible »). Pépin-Guillaume Manjolo, écrivain et ancien ministre, déplore que sa signification d’unité et de communion nationale soit ignorée, estimant qu’il ne s’agit pas seulement d’un « plat ».
Les intellectuels congolais estiment que l’inclusion du terme aurait dû se faire en concertation avec les académies locales pour en restituer correctement l’étymologie et la philosophie. Edimo Lumbidi et Manjolo appellent le Larousse à approfondir ses recherches et à reconnaître pleinement la richesse culturelle du mot. L’entrée du « liboke » au Larousse illustre à la fois la reconnaissance internationale de la gastronomie congolaise et les enjeux liés à la représentation culturelle. Ce débat rappelle l’importance de documenter les mots africains dans leur dimension linguistique, historique et identitaire, afin que chaque définition reflète toute l’histoire qu’elle porte.