Le Sénégal a fait ses premiers pas dans l’industrie pétrolière mondiale en exportant ses deux premières cargaisons de brut issues du champ offshore de Sangomar. Cette étape marque un tournant pour le pays qui souhaitait raffiner localement ce pétrole. Cependant, contre toute attente, les 997 000 barils extraits ont été vendus au géant britannique Shell puis expédiés aux Pays-Bas et en Allemagne pour être raffinés. Ce choix surprenant s’explique par le fait que le brut de Sangomar contient des impuretés qui rendent sa production incertaine. L’État affirme néanmoins que la Société africaine de raffinage (SAR), la raffinerie sénégalaise basée à Mbao, est en capacité de traiter ce pétrole.
Défis techniques et financiers pour la raffinerie nationale
En effet, la SAR, vieillissante et en manque de modernisation, attend des échantillons de brut pour s’adapter. Un projet de rénovation lancé en 2020 vise à porter sa capacité de 1,2 à 1,5 million de tonnes par an, loin des 5,3 millions que pourrait produire Sangomar. Un nouveau projet « SAR 2.0 » prévoit d’atteindre 5 millions de tonnes d’ici 2030 pour couvrir la demande nationale et exporter dans la région. « Nous attendons de recevoir des échantillons de brut de Sangomar pour pouvoir nous adapter. Chaque brut a ses caractéristiques, avec une teneur en soufre plus ou moins importante. Nous sommes obligés de faire des réglages pour avoir un meilleur rendement« , explique Mamadou Abib Diop, le nouveau directeur général de la SAR nommé en mai dernier.

Enjeux de souveraineté énergétique
Au-delà des défis techniques et financiers, le raffinage local soulève des considérations stratégiques. Raffiner sur place permettrait des économies d’échelle et le développement d’une industrie pétrochimique, avec la production de fioul pour l’électricité. Cependant, la SAR surendettée a déjà connu des retards de paiement bloquant les importations. « La SAR est un outil de souveraineté stratégique pour le Sénégal et nous en sommes conscients« , martèle Mamadou Abib Diop. Raffiner localement permettrait « de faire des économies d’échelle, mais aussi développer des produits dérivés du pétrole, comme le fioul, qui servira à alimenter la société nationale d’électricité« . Bien que le Sénégal ait fait ses premiers pas dans l’industrie pétrolière, la route est encore longue avant qu’il ne prenne le contrôle total de sa manne. Le nouveau président s’est empressé de régler certaines dettes de la SAR. Mais les défis restent multidimensionnels entre enjeux industriels, financiers et de souveraineté énergétique. « L’assainissement de la trésorerie » de la SAR sera un autre défi de taille, admet son directeur général. A plusieurs reprises, des cargos transportant le brut importé se sont retrouvés bloqués au large de Dakar, faute de paiement à la raffinerie surendettée.
Un avertissement qui illustre les défis du rêve sénégalais de maîtriser pleinement son or noir. Mais le pays a franchi une étape décisive en devenant producteur de pétrole. Selon un expert, cela va lui donner « plus de marges de manœuvre pour transformer son économie« .
Sources : https://www.memoireonline.com/01/20/11438/La-regulation-de-lindustrie-petroliere-du-Senegal-face-au-defi-du-paradoxe-de-labondance.html https://resourcegovernance.org/sites/default/files/documents/la_gestion_des_revenus_petroliers_et_gaziers_du_senegal_0.pdf https://www.lefigaro.fr/flash-eco/le-senegal-devient-producteur-de-petrole-20240611 https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/03/29/au-senegal-le-secteur-petrolier-et-gazier-dans-l-incertitude-apres-l-election-de-bassirou-diomaye-faye_6224920_3212.html