La République démocratique du Congo (RDC) a déposé des plaintes pénales en France et en Belgique contre des filiales d’Apple, accusant l’entreprise de tirer profit de minerais issus de zones de conflit. Ces accusations visent particulièrement l’étain, le tantale et le tungstène, des minerais essentiels à la fabrication de composants électroniques, mais dont l’extraction serait liée à des violations des droits humains.
Les avocats représentant le gouvernement congolais estiment qu’Apple est complice des crimes perpétrés par des groupes armés qui contrôlent certaines mines dans l’est du pays. « Ces activités ont alimenté un cycle de violence et de conflit en finançant des milices et des groupes terroristes et ont contribué au travail forcé des enfants et à la dévastation de l’environnement », ont-ils déclaré dans une note transmise aux médias.
Apple a réagi fermement, rejetant ces accusations. Dans un communiqué, l’entreprise a affirmé être « profondément attachée à l’approvisionnement responsable » et a insisté sur le respect par ses fournisseurs des « normes les plus strictes de l’industrie ».
Des minerais accusés de financer les conflits
L’est de la RDC est depuis des décennies un théâtre de conflits sanglants liés à l’exploitation de ressources naturelles. Les « minerais de sang »— un terme souvent utilisé pour désigner les matières premières extraites dans des zones de conflit — sont accusés de contribuer au financement des milices et des groupes armés qui terrorisent les populations locales.
Les avocats de la RDC affirment que ces minerais, extraits illégalement dans des zones de conflit, sont ensuite « blanchis dans les chaînes d’approvisionnement internationales » avant d’être utilisés dans les produits électroniques. Ils estiment que cette contamination de la chaîne d’approvisionnement d’Apple viole les principes éthiques internationaux et contribue à perpétuer le cycle de violence dans la région.
Apple, pour sa part, assure avoir pris des mesures pour limiter les risques associés à l’approvisionnement en minerais dans cette région. Un porte-parole de l’entreprise a déclaré à la BBC : « Lorsque le conflit dans la région s’est intensifié au début de l’année, nous avons informé nos fournisseurs que leurs fonderies et raffineries devaient suspendre leur approvisionnement en étain, tantale, tungstène et or en provenance de la RDC et du Rwanda. »

Un problème systémique
La plainte déposée par le gouvernement congolais relance le débat sur la responsabilité des grandes entreprises technologiques dans leurs chaînes d’approvisionnement. Depuis des années, des organisations de défense des droits humains dénoncent le rôle des minerais de conflit dans l’alimentation des guerres en RDC.
Certaines ONG accusent également des pays voisins, comme le Rwanda, de jouer un rôle central dans le transit de ces minerais vers les marchés internationaux. Les groupes armés exploiteraient illégalement des mines en RDC avant d’acheminer leurs produits vers le Rwanda, où ils seraient intégrés dans des chaînes d’approvisionnement légales.
Le Rwanda a, de son côté, qualifié l’action judiciaire de coup médiatique. Il a nié avoir vendu des minerais de conflit à Apple ou à toute autre entreprise technologique.
Quelle suite pour ces plaintes ?
Les autorités judiciaires françaises et belges doivent désormais examiner les plaintes déposées pour déterminer s’il existe suffisamment de preuves pour engager des poursuites contre Apple. Cette procédure pourrait s’avérer longue et complexe, notamment en raison de la difficulté d’établir des liens directs entre les minerais extraits dans des zones de conflit et les produits finis commercialisés par l’entreprise.
En attendant, la RDC espère que cette démarche contribuera à mettre en lumière les pratiques controversées de certaines multinationales et à faire pression sur les entreprises pour qu’elles renforcent la traçabilité de leurs chaînes d’approvisionnement.
Les accusations portées contre Apple illustrent une fois de plus les défis posés par la mondialisation et la consommation de masse, où la demande pour des produits technologiques alimente parfois, indirectement, des conflits à l’autre bout du monde.