L’or représente près de 25 % du PIB malien et constitue plus de 75 % des exportations du pays. Pourtant, cette richesse échappait en grande partie au circuit économique national, car exportée presque exclusivement à l’état brut. Le 16 juin 2025, à Sénou, près de Bamako, le président de la Transition, le Général Assimi Goïta, a officiellement lancé la construction de la Société de Raffinerie d’Or du Mali (SOROMA-SA). Cette initiative est le fruit d’un partenariat stratégique entre le Mali et la Russie et s’inscrit dans une volonté plus large de refondation économique, telle que définie par les Assises Nationales de la Refondation (ANR).
La raffinerie d’or nationale est conçue pour traiter 200 tonnes d’or par an, une capacité inédite en Afrique de l’Ouest. À l’heure actuelle, sur les 51 tonnes d’or extraites au Mali en 2024, moins de 5 % sont transformées localement. Cette dépendance à l’exportation prive le pays de retombées économiques considérables. L’objectif affiché par le gouvernement est de faire de Bamako un pôle régional de traitement de l’or, capable de transformer non seulement la production nationale mais aussi celle de pays voisins comme le Burkina Faso ou le Niger.
Le capital de la SOROMA-SA est détenu à 62 % par l’État malien et à 38 % par le groupe industriel russe Yadran. Cette configuration permet au Mali de garder le contrôle stratégique du projet tout en bénéficiant du savoir-faire technique et de l’investissement étranger. Selon Irek Salikhov, président du groupe Yadran, la raffinerie sera dotée de technologies avancées et respectera les normes internationales de la London Bullion Market Association (LBMA), permettant de produire de l’or d’une pureté de 99,5 %.
Le complexe industriel, qui s’étendra sur 5 hectares, comprendra des laboratoires, des entrepôts, un système logistique sécurisé, ainsi qu’un centre de formation dédié aux jeunes Maliens. Le ministre des Mines, Amadou Kéïta, a déclaré : « Il est temps que l’or malien brille d’abord ici, dans nos comptes publics, dans nos écoles, nos routes, dans la dignité de notre peuple ». Le chantier, qui devrait durer deux ans, générera des centaines d’emplois directs et indirects.
Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large de réappropriation des ressources naturelles. Le Code minier révisé en 2023 impose désormais un affinage local obligatoire pour tout opérateur. Il permet aussi à l’État de prendre jusqu’à 30 % de participation dans tout nouveau projet minier. Dans le même esprit, la création de la société publique SOREM-SA et la renégociation des anciens contrats miniers jugés déséquilibrés visent à mieux capter les revenus issus de l’exploitation aurifère. Selon les estimations du ministère des Finances, les recettes publiques pourraient augmenter de 950 millions de dollars par an (environ 582 milliards FCFA), soit près de 20 % du budget national.

Au-delà de l’économie, la raffinerie revêt une dimension géopolitique forte. Le partenariat avec la Russie s’inscrit dans un contexte de réorientation diplomatique du Mali, notamment après la détérioration de ses relations avec certains partenaires occidentaux, comme le Canada ou la multinationale Barrick Gold. Ce choix est perçu par les autorités comme un acte d’indépendance économique, mais aussi idéologique. Il marque un alignement avec d’autres pays du Sahel comme la Guinée, le Niger et le Burkina Faso, qui cherchent à rompre avec les logiques néocoloniales dans l’exploitation des ressources naturelles.
La raffinerie d’or de Sénou est bien plus qu’un projet industriel. Elle incarne une nouvelle ambition nationale : transformer les ressources sur place, capter leur valeur ajoutée et sortir du modèle extractif hérité du passé. Le Mali affirme sa volonté de bâtir un développement fondé sur ses propres forces et ses propres choix stratégiques. Comme l’a résumé le Général Goïta, « ce projet matérialise un rêve longtemps porté par notre peuple ». Un rêve qui, avec le concours d’un partenaire stratégique non occidental, prend désormais une forme concrète. La souveraineté économique du Mali commence peut-être ici : dans le cœur de son sous-sol, mais surtout dans sa capacité à en maîtriser le destin.
Sources : https://www.maliweb.net/economie/mines-dor-societes/au-dela-de-lextraction-une-ere-de-transformation-aurifere-pour-le-mali-3106184.html https://www.financialafrik.com/en/2025/06/17/mali-assimi-goita-launches-a-public-gold-refinery-with-russian-company-yadran/?utm_source=chatgpt.com https://afrolegends.com/2025/06/17/mali-launches-a-state-gold-refinery/?utm_source=chatgpt.com