Entre octobre 2024 et janvier 2025, entre 50 000 et 75 000 tonnes de cacao ivoirien ont transité illégalement vers la Guinée et le Libéria, selon l’armée ivoirienne. Ces volumes représentent un manque à gagner estimé à plus de 573 millions $ (environ 348 milliards FCFA) pour la Côte d’Ivoire. Chaque camion passe moyennant des pots-de-vin de 15 millions FCFA et tire profit de 4 000 à 5 000 FCFA par kilogramme, une marge énorme par rapport au prix garanti dans les circuits légaux.
Les exportateurs ivoiriens dénoncent une raréfaction de la marchandise destinée aux ports, en raison du détournement massif à la frontière. Cela complique le respect des contrats commerciaux et accentue la pression sur le marché intérieur. Avec un cacao à plus de 10 000 $, les autorités ivoiriennes ont été contraintes de revoir les prix à la hausse. En mars 2025, le prix garanti au producteur est passé de 1 500 à plus de 2 000–2 300 FCFA/kg, une tentative de limiter les fuites vers les circuits parallèles. Malgré cette revalorisation, la tentation reste forte pour les planteurs ivoiriens, surtout ceux vivant près des zones frontalières comme Sipilou, Odienné ou Touba. Le gouvernement anticipe une production de 1,8 million de tonnes pour la campagne 2024/2025, en légère baisse par rapport aux années précédentes. Cela pourrait accentuer la pression sur l’approvisionnement mondial, déjà tendu après plusieurs années de déficit.

Pour endiguer le phénomène, les autorités ivoiriennes ont multiplié les saisies. En janvier 2025, cinq responsables de la lutte anti-contrebande (préfet, douane, police, gendarmerie) ont été suspendus pour complicité dans les transferts vers la Guinée. Des saisies répétées de camions ont été rapportées à la frontière nord-ouest. Mais malgré ces efforts, les réseaux restent actifs, profitant des complicités locales et de la porosité des frontières.
La montée des cours, amplifiée par des conditions climatiques défavorables, des maladies du cacaoyer et le sous-investissement dans les plantations, renforce l’attractivité des circuits illégaux. La Guinée, bien que ne produisant pas de cacao à grande échelle, est devenue une plaque tournante de la revente illégale, avec des cargaisons expédiées vers des marchés asiatiques peu regardants sur la traçabilité. Une riposte efficace nécessite une réponse régionale. Cela passe par un renforcement de la traçabilité numérique dès la ferme, une coopération plus étroite entre États voisins, la poursuite judiciaire des trafiquants, et surtout une amélioration durable des conditions de vie des planteurs pour dissuader la vente illégale.
En 2025, les prix record du cacao ont créé un terrain fertile à la contrebande, avec la Guinée au centre d’un trafic lucratif. La Côte d’Ivoire subit une perte massive de ressources, une pression sur ses institutions et les conditions de vie de ses agriculteurs. Seule une réponse intégrée, mêlant justice, coopération, élévation des conditions sociales et lutte contre la corruption, permettra de restaurer la résilience du secteur cacaoyer et l’intégrité de son économie.
Sources : https://www.reuters.com/world/africa/ivory-coast-army-accuses-anti-trafficking-officials-smuggling-cocoa-2025-01-15 https://www.cnbcafrica.com/wire/655546 https://www.cnbcafrica.com/2025/ivory-coast-to-increase-cocoa-farmgate-price-by-at-least-11-sources-say