La Guinée traverse une période charnière avec la publication de son projet de Constitution, marquant une étape cruciale vers un retour à l’ordre constitutionnel. Ce projet, rendu public par le Conseil national de transition (CNT) le 11 août 2024, propose un cadre législatif qui pourrait transformer la dynamique politique du pays. Cependant, l’ambiguïté entourant le statut du général Mamady Doumbouya, au pouvoir depuis le coup d’État de 2021, soulève des questions sur sa candidature potentielle aux prochaines élections.
Le projet de Constitution présente plusieurs innovations, notamment l’instauration d’un système législatif bicaméral avec une Assemblée nationale et un Sénat. Selon l’article 41, « la durée du mandat du président de la République est de cinq ans, renouvelable une seule fois« , et il est clairement stipulé que « nul ne peut de sa vie exercer plus de deux mandats de président de la République« . Ces mesures visent à limiter les abus de pouvoir et à renforcer la démocratie en Guinée. Les dispositions de ce projet incluent également des avancées significatives en matière de droits humains, telles que l’interdiction de la peine de mort et des mutilations génitales féminines. De plus, toute personne arrêtée doit être informée des motifs de son arrestation, renforçant ainsi les protections juridiques des citoyens.
Malgré ces avancées, le statut de Mamady Doumbouya reste flou. La charte de transition, adoptée après le coup d’État, interdit explicitement sa candidature aux futures élections. Cependant, cette interdiction n’est pas mentionnée dans le projet de Constitution, ce qui ouvre la porte à une éventuelle candidature de Doumbouya. Dans une déclaration, le président du CNT, Dansa Kourouma, a précisé que « la Constitution établit des règles générales intemporelles, la Constitution n’individualise pas et ne personnalise pas« . Cette position laisse entendre que le projet pourrait être interprété de manière à permettre à Doumbouya de se présenter. Les réactions des acteurs politiques guinéens face à cette ambiguïté sont variées. Certains leaders politiques et membres de la société civile expriment des inquiétudes quant à la possibilité d’une candidature de Doumbouya, craignant un retour à un régime autoritaire. Le Front national de défense de la Constitution (FNDC), un mouvement d’opposition, a déjà annoncé son intention de s’opposer à toute prolongation de la transition au-delà de 2024, affirmant que « la transition ne doit pas devenir une fin en soi« .
D’autres, cependant, voient dans ce projet de Constitution une opportunité de renouveau politique. Kabinet Fofana, directeur de l’Association guinéenne de sciences politiques, a décrit le projet comme « très audacieux » et a salué les efforts visant à limiter les mandats présidentiels et à établir un système bicaméral. Le projet de Constitution doit être soumis à un vote avant la fin de l’année, et un référendum constitutionnel est prévu pour valider les nouvelles dispositions. Ce processus est crucial pour déterminer l’avenir politique de la Guinée et la possibilité d’un retour à un régime civil. Le Premier ministre, Amadou Oury Bah, a refusé de s’engager sur un retour des civils au pouvoir en 2025, soulignant que la tenue du référendum est un préalable essentiel.
La publication du projet de Constitution en Guinée représente une avancée significative vers la réinstauration de l’ordre constitutionnel, mais l’ambiguïté entourant le statut de Mamady Doumbouya complique la situation. Alors que le pays se prépare à un référendum constitutionnel, les acteurs politiques doivent naviguer dans un paysage complexe, où les aspirations démocratiques des citoyens se heurtent aux ambitions personnelles de ceux au pouvoir. La manière dont cette situation sera résolue pourrait bien déterminer l’avenir politique de la Guinée pour les années à venir.