Le coup d’État du 30 août 2023 au Gabon, orchestré par le général Brice Oligui Nguema, a suscité de vives réactions tant au niveau national qu’international. Ce renversement de l’ordre constitutionnel a été justifié par des accusations de fraude lors des élections qui ont vu Ali Bongo réélu. Dans un contexte de méfiance généralisée envers les institutions politiques, le nouveau régime a promis des réformes, notamment la révision du code électoral, considérée comme un élément clé pour restaurer la confiance des citoyens dans le processus démocratique.
Le 5 août 2024, la loi n°019/2024, modifiant et supprimant certaines dispositions de la loi n°07/96 du 12 mars 1996, a été promulguée par le président de la Transition. Cette loi a été adoptée après des débats houleux au sein du parlement de Transition, illustrant les tensions qui règnent dans le paysage politique gabonais. Au total, 37 articles ont été supprimés, et 36 ont été modifiés, apportant des changements significatifs à la préparation, l’administration et l’organisation des élections, qui seront désormais sous la responsabilité exclusive du ministère de l’Intérieur, en lieu et place du Centre Gabonais des Élections (CGE).
La nouvelle loi électorale introduit plusieurs modifications importantes :
Transfert de l’Organisation Électorale : L’une des modifications les plus controversées est le transfert de l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur. Cela soulève des inquiétudes quant à la neutralité et à l’impartialité du processus électoral, car le ministère est souvent perçu comme étant proche du pouvoir exécutif.
Retour des Enveloppes Accolées : Le retour des enveloppes accolées, qui avaient été supprimées lors des précédentes élections, est une autre mesure significative. Ce dispositif, qui vise à améliorer la transparence du vote, a été critiqué pour avoir été introduit dans un contexte de méfiance envers les institutions. Les enveloppes accolées permettent de mieux contrôler le processus de vote, mais leur réintroduction pourrait être perçue comme un recul démocratique par certains observateurs [3].
Composition des Commissions Électorales : Le nouveau texte prévoit que les membres des commissions électorales locales seront nommés par le ministre de l’Intérieur. Ces commissions, composées d’un président, de deux vices-présidents et de deux rapporteurs, devront être désignées parmi des cadres réputés pour leur probité et leur impartialité. Cela soulève des questions sur la réelle indépendance de ces commissions et sur leur capacité à garantir des élections libres et équitables.
Représentation des Candidats : Pour apaiser les craintes concernant l’absence de représentants des candidats dans les bureaux de vote, l’article 76 nouveau stipule que chaque candidat ou liste de candidats pourra désigner un électeur pour les représenter en tant qu’observateur. Cette mesure vise à renforcer la transparence, mais il reste à voir comment elle sera mise en œuvre sur le terrain.
Application des Dispositions : L’article 4 de la nouvelle loi précise que certaines dispositions ne s’appliqueront qu’à la prochaine élection référendaire, ce qui a été perçu comme une tentative de rassurer les partis politiques qui craignaient d’être écartés du processus électoral. Cependant, le manque de clarté sur les dispositions concernées soulève des doutes quant à la volonté réelle d’inclure les partis politiques dans le processus.
Malgré ces réformes, des défis importants subsistent. Le général Oligui, bien qu’ayant promis une transition vers un régime démocratique, est lui-même issu du système qu’il a renversé. Cela soulève des questions sur la sincérité de ses intentions et sur la capacité du nouveau régime à instaurer des réformes véritablement démocratiques.
De plus, la réaction de la communauté internationale, qui a largement condamné le coup d’État, pourrait influencer la légitimité du nouveau gouvernement et la mise en œuvre de ses réformes. Les partis politiques, qui ont traditionnellement joué un rôle crucial dans le processus électoral gabonais, se retrouvent marginalisés, ce qui pourrait entraîner une crise de légitimité pour le nouveau régime.
La révision du code électoral gabonais est un enjeu central pour l’avenir politique du pays. Si elle est menée de manière transparente et inclusive, elle pourrait contribuer à une véritable démocratisation. Cependant, le contexte actuel, marqué par des tensions politiques et une méfiance généralisée envers les institutions, pose la question de la viabilité de ces réformes et de la volonté réelle du nouveau régime de changer le cours de l’histoire politique du Gabon. Les Gabonais attendent des actes concrets et des garanties que leurs voix seront entendues dans le processus électoral à venir.