Le marché automobile gabonais est en pleine expansion, mais cette croissance cache une réalité alarmante : la prolifération des véhicules d’occasion gravement endommagés et inadaptés à la circulation. Ces « épaves roulantes », souvent issues d’importations douteuses ou de réparations précipitées, circulent librement sur les routes du pays, mettant en danger la vie des usagers. Cette situation soulève des questions cruciales sur la responsabilité des autorités et la transparence des pratiques commerciales dans le secteur automobile.
En 2016, le journal français Le Point dénonçait déjà la multiplication des véhicules d’occasion gravement accidentés sur le marché français, des voitures destinées à la casse, mais remises en circulation après des réparations sommaires . Le Gabon, pays où la réglementation en matière de sécurité routière est encore balbutiante, semble avoir hérité de cette pratique frauduleuse. Les voitures importées, souvent en mauvais état, sont réparées à la va-vite par des garagistes peu scrupuleux, puis revendues à des prix attractifs. Le résultat est une flotte de véhicules dangereux, qui ne répondent plus aux normes de sécurité et deviennent de véritables « cercueils ambulants » pour leurs propriétaires.
La loi gabonaise, en particulier la loi n°21/2005 portant Code de la route, stipule clairement que « tout véhicule mis en circulation doit répondre aux normes de sécurité fixées par le ministère des Transports » . Cependant, dans la pratique, cette exigence est largement ignorée. Selon des estimations, plus de 60% des véhicules d’occasion importés au Gabon présentent des défaillances majeures qui compromettent leur sécurité . Ces véhicules, souvent issus de pays européens où ils ont été impliqués dans de graves accidents, sont achetés à bas prix par des concessionnaires locaux, qui n’hésitent pas à falsifier les documents de contrôle technique pour les remettre en circulation.
Un professionnel du secteur automobile, qui a requis l’anonymat, témoigne : « Les autorités ferment les yeux sur cette situation parce que cela profite à beaucoup de monde. Les concessionnaires, les douaniers, et même certains agents du ministère des Transports, tous sont impliqués d’une manière ou d’une autre » . Cette collusion entre acteurs publics et privés rend la lutte contre ces pratiques d’autant plus complexe.
Les conséquences de cette situation sont désastreuses. En 2023, le Gabon a enregistré une augmentation de 15% des accidents de la route liés à des défaillances mécaniques, un chiffre qui pourrait encore grimper si rien n’est fait pour réguler le marché des véhicules d’occasion . Les familles gabonaises, souvent séduites par les prix attractifs de ces voitures, ignorent les dangers auxquels elles s’exposent en les achetant. Malheureusement, la sensibilisation du public reste insuffisante, et les campagnes de contrôle technique sont rares et inefficaces.
Il est urgent que les autorités gabonaises prennent des mesures concrètes pour endiguer ce phénomène. La mise en place de contrôles techniques rigoureux, l’interdiction de l’importation de véhicules accidentés et une meilleure information des consommateurs sont autant de solutions qui pourraient contribuer à assainir le marché automobile gabonais. En attendant, des milliers de Gabonais continuent de rouler dans des voitures qui, loin d’être des moyens de transport sûrs, sont de véritables bombes à retardement.
Il est temps pour le Gabon de sortir de l’ombre et d’affronter cette réalité qui menace la sécurité de ses citoyens sur les routes. Les autorités doivent cesser d’ignorer le problème et commencer à appliquer les lois existantes, avant que ces épaves roulantes ne causent des dégâts irréparables.