Le concept d’art brut, défini par Jean Dubuffet en 1947, célèbre des créations en marge des circuits artistiques traditionnels. Loin des académies, ces œuvres sont le fruit d’individus autodidactes, souvent isolés, dont l’expression s’ancre dans l’intuition ou la marginalité. Dans ce cadre, la collection Decharme exposée à Paris présente une diversité impressionnante mais une représentation africaine quasi inexistante : sur 156 artistes exposés, seuls deux sont originaires du continent. Le Béninois Ezekiel Messou, autodidacte installé à Abomey, y dévoile un univers inspiré de son quotidien et de son imagination, avec des dessins réalisés sur des feuilles de récupération. Le second, un Angolais resté anonyme, a vu ses œuvres réalisées au verso de documents médicaux acquises dès 1944 par Jean Dubuffet lui-même.

Cette rareté soulève des interrogations sur les critères de sélection et la visibilité internationale de l’art brut africain. Selon Bruno Decharme, collectionneur et commissaire de l’exposition, la notion d’art brut s’est historiquement ancrée dans les sociétés occidentales, où les concepts de marginalité ou de folie ont été théorisés. Il suggère qu’en Afrique, d’autres formes de marginalité artistique existent, mais selon des logiques culturelles différentes, encore peu explorées.
Ainsi, la faible présence africaine dans cette grande exposition reflète moins une absence de créativité que le manque de reconnaissance de formes artistiques en dehors des cadres occidentaux. Une prise de conscience s’impose pour identifier et valoriser ces expressions singulières, souvent intégrées aux récits populaires ou spirituels du continent. L’art brut africain, encore largement méconnu, pourrait enrichir de manière décisive la compréhension mondiale de cette forme d’art libre et radicale.