Le 17 septembre 2025, un décret présidentiel a officiellement déchu Charfadine Galmaye Saleh et Nguebla Makaila de leur nationalité tchadienne. Charfadine Galmaye Saleh, fondateur de la page TchadOne, critique régulièrement le gouvernement depuis la France. Nguebla Makaila, défenseur des droits humains et ancien conseiller à la présidence en 2021, avait été démis de ses fonctions en 2023 avant de retourner en exil. Les autorités tchadiennes les accusent d’« activités subversives à l’étranger » et de collusion avec des organisations visant à déstabiliser le pays, justifiant ainsi leur déchéance de nationalité.
Cette décision a immédiatement soulevé des interrogations juridiques. L’article 56 du Code de la nationalité tchadienne prévoit la déchéance uniquement pour les personnes naturalisées et en cas d’atteinte grave aux intérêts de l’État. Selon l’avocat Adoumadji Alain Moadjidibaye, priver des citoyens d’origine de leur nationalité constitue une violation du droit international et expose les intéressés au risque d’apatridie, contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme. De plus, le décret ne mentionne pas de procédure contradictoire, et la formulation « activités incompatibles avec la qualité de citoyen » est jugée trop vague pour constituer un motif légal.
La réaction de la société civile et des organisations de défense des droits humains a été immédiate. La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) et l’Action pour la Paix et les Droits Humains au Tchad (APDHT) dénoncent une décision arbitraire et disproportionnée. L’opposant Max Kemkoye évoque une « instrumentalisation de l’État à des fins de vengeance personnelle ». Nguebla Makaila a déposé plainte en France contre plusieurs responsables tchadiens, dont le président Mahamat Idriss Déby Itno, pour atteinte aux libertés fondamentales et abus de pouvoir.
Cette affaire marque un tournant pour la diaspora tchadienne et met en lumière l’usage politique de la nationalité comme instrument de répression. Elle soulève des questions cruciales sur la liberté d’expression, la protection juridique des citoyens et le respect des conventions internationales interdisant l’apatridie. Pour la communauté internationale et les défenseurs de la démocratie, le suivi de cette affaire constituera un test important pour l’État de droit au Tchad.