S’étendant sur 300 kilomètres le long de l’océan Indien, la Wild Coast est un joyau de biodiversité abritant baleines, dauphins, tortues et réserves naturelles. Mais ce sanctuaire est menacé par les relevés sismiques de Shell, qui prévoient l’envoi d’ondes de choc sous-marines toutes les dix secondes sur 6 000 km². Selon les scientifiques, ces opérations pourraient désorienter les mammifères marins, provoquer des échouages et réduire les stocks de poissons essentiels aux communautés locales. Depuis l’octroi du permis initial en 2014, l’affaire a connu de nombreux rebondissements. En 2022, un tribunal sud-africain avait annulé l’autorisation, estimant qu’elle violait les droits des communautés et ignorait les impacts environnementaux.
Mais une cour d’appel a rouvert la porte à Shell en 2023, poussant les opposants à saisir la Cour constitutionnelle. C’est la première fois qu’une affaire portée par des pêcheurs atteint cette instance, marquant une étape majeure pour la reconnaissance des droits des communautés face aux multinationales. Pour les pêcheurs, ce combat est existentiel. Ntsindiso Nongcavu, 48 ans, pêcheur de Port St Johns, affirme que ces relevés représentent une “attaque directe contre un mode de vie ancré dans la tradition”. Aux côtés de 200 manifestants devant le tribunal de Johannesburg, il a défendu son océan, source de subsistance depuis son enfance. Carmen Mannarino, de l’organisation Masifundise, résume l’enjeu : “La dignité des communautés est en cause. Les droits des communautés sont-ils moins importants que ceux des entreprises ?”.
Le verdict attendu pourrait créer un précédent majeur. Une décision en faveur des communautés locales renforcerait le pouvoir des populations africaines à s’opposer à des projets industriels nuisibles et enverrait un message clair aux multinationales. À l’inverse, une victoire de Shell pourrait encourager d’autres projets fossiles au détriment des écosystèmes fragiles. Au-delà de la Wild Coast, cette affaire symbolise le choix auquel l’Afrique est confrontée : exploiter ses ressources à tout prix ou défendre un développement durable respectueux des communautés et de ses trésors naturels. Quel que soit le verdict, ce procès restera un moment charnière pour la justice environnementale et sociale sur le continent.