Le Kenya, première économie d’Afrique de l’Est, est confronté à une dette publique élevée et à une insécurité alimentaire persistante. Plus de 3,4 millions de personnes y souffrent d’un manque d’accès à une alimentation suffisante, alors que le gouvernement consacre près d’un tiers de ses revenus au paiement des intérêts de sa dette. Pour répondre à ce double défi, Nairobi négocie avec le Programme Alimentaire Mondial (PAM) un accord d’un milliard de dollars, soit environ 610 milliards FCFA, visant à convertir une partie de ses obligations financières en investissements agricoles et nutritionnels.
Un mécanisme innovant pour soulager la dette et nourrir la population
L’échange dette-contre-alimentation permettrait au Kenya de remplacer une dette coûteuse par un financement à moindre coût, à condition de réinvestir les économies dans la sécurité alimentaire. Selon le ministre des Finances John Mbadi, les discussions avec le PAM sont en phase avancée, avec une finalisation attendue d’ici mars 2026. Les fonds dégagés seraient dirigés vers l’irrigation, les infrastructures de stockage, la modernisation agricole et les programmes de nutrition, essentiels face au changement climatique et à la croissance démographique. Ce modèle s’inspire des échanges dette-contre-nature déjà réalisés par des pays comme le Belize, le Gabon ou l’Équateur, mais appliqué ici à un enjeu vital pour les populations. En 2024, le Kenya avait déjà conclu un accord similaire avec l’Allemagne, portant sur 60 millions d’euros (39,3 milliards FCFA) pour financer des projets climatiques.
Entre poids de la dette et diversification du financement
Classé par le FMI parmi les pays à haut risque de surendettement, le Kenya a vu sa dette publique passer de 35,7 % du PIB en 2011 à 73 % en 2023, avant de redescendre à 65,6 % en 2024. Fin juin 2025, elle s’établissait encore à 67,8 % du PIB. Face à cette pression, le gouvernement de William Ruto explore plusieurs pistes : émission d’obligations durables de 500 millions de dollars (305 milliards FCFA), prêts de la Banque mondiale pour un total de plus de 757 millions de dollars (463 milliards FCFA) et conversion d’un prêt ferroviaire de 5 milliards de dollars (3 050 milliards FCFA) en monnaie chinoise. En transformant une dette contraignante en investissements pour l’agriculture et la nutrition, le Kenya innove et montre une voie possible pour concilier stabilité financière et sécurité alimentaire. Si l’accord avec le PAM est finalisé, il pourrait devenir un modèle pour d’autres pays africains confrontés au même dilemme : nourrir leurs populations tout en allégeant le poids de la dette.