La raffinerie de Lekki, avec une capacité annoncée de 650 000 barils par jour, est le fruit d’un investissement de 20 milliards de dollars (environ 11 397 milliards FCFA). Depuis son lancement partiel en mars 2024, elle ambitionne de réduire la dépendance de l’Afrique aux importations de carburants raffinés. En mai 2025, elle atteignait 80 % de sa capacité et vise 85 % en octobre. Pourtant, malgré cette montée en puissance, elle dépend de plus en plus du brut étranger.
En juillet, elle prévoit d’importer au moins 5 millions de barils de pétrole américain West Texas Intermediate (WTI), soit environ 161 000 barils par jour, après un pic de 300 000 barils par jour en juin. Elle s’approvisionne également en Angola, en Guinée équatoriale, en Algérie et au Brésil. Ce paradoxe est d’autant plus frappant que le Nigéria, première puissance pétrolière d’Afrique, devrait pouvoir alimenter ce projet national.
Mais la réalité est plus complexe. Edwin Devakumar, un dirigeant du groupe Dangote, résume la situation : « Nous ne pouvons prendre que ce que le Nigéria nous alloue ; le reste doit être importé. » En cause : les tensions avec la Nigerian National Petroleum Company Limited (NNPC), la compagnie publique, qui peine à fournir du brut de manière régulière. Depuis mars, les deux parties négocient un système d’approvisionnement reposant sur des paiements en nairas, jugé peu incitatif par Dangote.

Cette impasse ouvre la porte aux négociants internationaux. Pour les livraisons de juillet, des contrats ont été remportés par Vitol, la société azerbaïdjanaise Socar et Glencore. La raffinerie nigériane apparaît comme un débouché providentiel pour les excédents américains, notamment face à une demande asiatique moins dynamique. En avril déjà , un précédent record avait été atteint avec 173 000 barils par jour de WTI livrés à Lekki.
Malgré ces difficultés, la raffinerie commence à bouleverser l’équilibre énergétique africain. Grâce à ses premières livraisons d’essence et de diesel, le Nigéria a perdu sa place de premier importateur de carburant du continent, désormais occupée par l’Afrique du Sud. Ce basculement marque un tournant, mais il reste fragile.
Le succès à long terme de la raffinerie Dangote dépendra de sa capacité à garantir un approvisionnement local stable. Sans cela, le rêve d’une souveraineté énergétique portée par ce projet pourrait être compromis par les incertitudes du marché mondial et les dysfonctionnements du secteur pétrolier nigérian. L’avenir énergétique du Nigéria et dans une certaine mesure celui de l’Afrique se joue aussi dans cette bataille d’approvisionnement.
Sources : https://www.reuters.com/business/energy/nigerias-dangote-refinery-continues-wti-buying-spree-july-2025-05-30/?utm_source=chatgpt.com https://www.sikafinance.com/marches/amp/nigeria-dangote-relance-ses-achats-de-brut-americain-revelant-les-tensions-du-marche-local-de-lor-noir_52979