La Belgique a été rappelée à ses responsabilités historiques par la cour d’appel de Bruxelles, qui vient de condamner l’État pour l’enlèvement et le placement forcé de cinq jeunes métisses issus de l’époque coloniale. Ces enfants, nés de relations entre des femmes congolaises et des hommes européens, avaient été retirés de leur foyer dans des conditions brutales pour être placés dans des institutions religieuses. Une politique systémique qui visait à “civiliser” ces enfants, mais qui a causé des traumatismes irréparables.
Cette affaire remonte aux années 1940 et 1950, lorsque le Congo était encore une colonie belge. Les enfants métisses, souvent considérés comme une “anomalie” dans le contexte colonial, faisaient l’objet d’une discrimination institutionnalisée. Arrachés à leur famille, ils étaient séparés de leurs racines culturelles et souvent coupés de leurs mères, sous prétexte de leur offrir une meilleure éducation et des perspectives d’avenir. En réalité, ces placements forcés étaient le reflet d’une politique raciste visant à “blanchir” ces enfants tout en effaçant leur héritage africain.
En 2021, un premier jugement avait rejeté la responsabilité de l’État belge dans cette affaire, suscitant l’indignation des victimes et de nombreuses organisations de défense des droits humains. Les cinq plaignants, aujourd’hui âgés et vivant avec les séquelles de ces traumatismes, avaient décidé de faire appel. Leur persévérance a été récompensée : la cour d’appel a reconnu la faute de l’État belge, soulignant que ces enlèvements étaient contraires aux droits fondamentaux de l’époque, même dans le contexte colonial.
Cette décision constitue un pas important vers la reconnaissance des abus liés à la colonisation, un sujet encore sensible en Belgique. Bien que le verdict ouvre la voie à des réparations symboliques et financières pour les victimes, il met également en lumière un pan sombre de l’histoire coloniale belge, souvent minimisé dans les discours officiels.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Des historiens et militants saluent une avancée significative, tandis que d’autres appellent à des actions plus concrètes, notamment des excuses officielles et une réforme de l’enseignement de l’histoire coloniale en Belgique.
Pour les victimes, ce jugement n’efface pas les souffrances endurées, mais il constitue une reconnaissance tardive de l’injustice qu’elles ont vécue. À travers cette décision, c’est toute une société qui est invitée à faire face aux fantômes de son passé colonial.